Le photographe Yann Arthus-Bertrand ("La Terre vue du ciel") a pris de la hauteur pour nous parler du voyage.
Le photographe Yann Arthus-Bertrand est devenu célèbre avec son livre de photos "La Terre vue du ciel". Un phénomène d'édition vendu à 3 millions d'exemplaires et traduit en 24 langues.
Cet amoureux de la nature, spécialiste des prises de vue aérienne, a pris de la hauteur pour nous parler de cette planète si fragile qu'il a tant de fois parcouru. Une Terre magnifique et gravement menacée, comme en témoignera sa superproduction "Home" réalisée avec Luc Besson (sortie mondiale en juin 2009).
oopartir : Pour le livre 'Le terre vue du ciel", vous aviez survolé 70 pays. Quels sont les deux ou trois lieux sur terre qui vous ont le plus marqué?Yann Arthus-Bertrand: C'est difficile de répondre. J'adore marcher dans le désert, dans le Ténéré. J'ai eu la chance de suivre souvent le Paris-Dakar. J'allais là-bas à Noël, en famille, quand c'était un peu plus calme. C'est très excitant de faire des photos dans le désert. En hélicoptère, la vue d'une caravane est un spectacle magnifique.
Selon la lumière, les paysages changent de manière inouïe. Mais franchement, je vous avouerais que j'éprouve du bonheur partout. Après avoir beaucoup voyagé, on ne sait plus trop ce que signifie encore le mot "voyage": on peut se sentir totalement dépaysé à une heure de chez soi, et aller à Tokyo pour une exposition et ne pas se sentir du tout en voyage. Tout est dans le regard.
Tapis à Marrakech
Votre passion pour la photo serait-elle aussi vive si elle n'était pas associée au voyage?
Yann Arthus-Bertrand: D'après moi, on devient photographe pour voyager. Pour ma part, j'ai fais ce métier un peu par accident, en étudiant les lions. Pourtant, au bout d'un moment, tous les photographes qui bougent beaucoup en ont marre de voyager. Bien sûr, une fois sur place, on oublie les aéroports, le bruit, la fatigue, le décalage horaire. Ce qui est fantastique aujourd'hui, c'est le raccourcissement des distances.
En une journée, on est à l'autre bout de la planète. Je pense aussi qu'on vit les dernières années des endroits les plus dépaysants de la planète. Quand j'étais à Port Moresby, en Nouvelle-Guinée, dans une des régions les plus sauvages au monde, les jeunes portaient le même tee-shirt, écoutaient la même musique, regardaient les mêmes programmes télé et mangeaient peut-être le même "
Mac-do" que mon enfant. On va de plus en plus se ressembler et se mélanger.
C'est regrettable…Yann Arthus-Bertrand: Pas sûr. Il y a un siècle, un Alsacien ne comprenait pas un Breton. On garde souvent le meilleur de ses racines culturelles. Ce qui est inutile disparaît. On finit par construire soi-même son identité culturelle.
L'oeil des Maldives
Que pensez-vous du tourisme "industriel"? Yann Arthus-Bertrand: Son impact est forcément positif. L'industrie touristique enrichit les pays qui accueillent les voyageurs. Ce qui est important, c'est surtout la manière de voyager.
Vous arrivez à conserver le même regard émerveillé qu'autrefois?Yann Arthus-Bertrand: Je pense que oui. Mon métier est assez violent, stressant. Il serait difficile de le faire sans enthousiasme.
Quelles sont vos destinations favorites?Yann Arthus-Bertrand: J'adore New York. Mais ma destination favorite, c'est celle où vit ma famille. L'endroit préféré, c'est celui où l'on retrouve les gens qu'on aime. En fait, plus on voyage, plus on découvre l'existence d'endroits géniaux sur terre.
D'après vous, le monde est-il tel que vous le montrez? Yann Arthus-Bertrand: Je montre la réalité. Je ne triche pas. On peut parler pendant des heures de la "vérité photographique". Pour moi, la photo, c'est la vérité. J'essaye d'être sincère dans mon travail.
Coeur dans le Voh (France)
L'état du monde vous inquiète-t-il?
Yann Arthus-Bertrand: Tous les gens sensés sont aujourd'hui des "écolos". Encore faut-il changer sa manière de vivre… Je suis une personne engagée. Je ne fais pas ce métier par hasard. J'ai une formation de naturaliste. Je suis assez optimiste, dans la mesure où les comportements finiront sûrement par changer. Mon travail contribue peut-être un peu à cette prise de conscience. Je pense que nous allons pour l'instant dans un mur. Il y aura des dégâts. L'histoire de l'humanité est ainsi faite: on ne prend pas les grandes décisions tant qu'on n'est pas obligé de les prendre, à la suite d'épidémies ou de catastrophes naturelles.
Y-a-t-il un message à percevoir à travers vos photos? Yann Arthus-Bertrand: Je ne suis pas forcément un photographe "à message". Pourtant, chaque jour, je reçois une centaine d'e-mails de gens qui tiennent à manifester leur intérêt pour mon travail. L'exposition à Paris a sûrement déclenché une prise de conscience chez certains. Dès qu'on parle et qu'on publie, en un sens, on fait de la politique.
Glacier du Perito Moreno (Argentine)
Ce qui m'intéresse, c'est de témoigner. Nous organisons ainsi dix expositions sur "La Terre vue du Ciel" cette année, dont une à Londres, beaucoup plus grande que celle de Paris, à Saint Pancreas, la prochaine gare londonienne de l'Eurostar, dans une immense salle victorienne.
Vous utilisez internet?
Yann Arthus-Bertrand: Le côté ludique du Net ne m'intéresse plus. Pour moi, internet c'est d'abord un outil professionnel. Nous avons ainsi mis en place le site à mon nom. Avec son côté interactif, internet est un média très positif.
© oopartir 2009 - Propos recueillis par Vincent de Monicault ; photos Yann Arthus-Bertrand
A voir absolumentLe superbe site
www.yannarthusbertrand.com